C’est en Arles lors des « Rencontres Internationales de la Photographie », que nous rencontrons Olivier Jobard, le photojournaliste de SIPA, lauréat du Photo World Press 2005 et invité de Raymond Depardon, commissaire des expositions.
Et oui, certains disent « en » Arles, alors que l’on dit à Paris, à Grenoble, à Perpignan... Cela n’est pas sans importance lors d’une manifestation comme les « Rencontres », dont l’aura culturelle est réelle. Pourtant en cette édition 2006, les choix de Raymond Depardon ont redonné - plus qu’à l’habitude - sa place au « Grand reportage ».
Emblématique de ce retour aux sources, le travail entrepris depuis 5 ans par le français Olivier Jobard à propos des flux migratoires et dont l’aboutissement est le livre, Kingsley - Carnet de route d'un immigrant clandestin. Durant 6 mois, il a suivi Kingsley Abang Kum, un Camerounais de 22 ans tout au long de son dangereux périple, traversant illégalement l'Afrique Sub-Saharienne ; le Cameroun, le Nigeria, le Niger, le désert du Sahara, l'Algérie, le Maroc, avant de s'embarquer sur un frêle esquif en direction des Canaries...
Les photos sont accompagnées du récit de Kingsley, écrit en collaboration avec Florence Saugues reporter à Paris-Match. Il en résulte un véritable carnet de route photographique, un témoignage inédit de ce que sont les espoirs et les drames d'un émigrant clandestin à travers l’Afrique.
C’est en 2000 et 2001, alors que l’actualité l’amena à travailler régulièrement sur le camp de Sangattes, qu’Olivier ressenti le choc qui déclencha ce travail de longue haleine. «Ici s’entassaient toutes les nations, toutes les ethnies...
Tous les pays en guerre où j’avais travaillé depuis 10 ans étaient représentés : Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Soudan, Kurdistan, Irak… En passant du temps avec les clandestins de Sangattes, j’ai pris conscience de ces routes de l’errance et de l’exil ». Un peu plus tard, alors qu’il enquêtait sur la zone de transit de Roissy, ses recherches le conduisirent au Cameroun sur les traces d’une jeune femme renvoyée en charter dans son pays.
« C’est là-bas que j’ai rencontré Kingsley qui travaillait comme maître nageur. Depuis des années il rêvait de France, de foot… et des Françaises »… Le jeune Camerounais avait vu son rêve d’occident s’éloigner par deux fois déjà... Ex membre d’une équipe d’espoirs du ballon rond, il avait dû renoncer à devenir joueur professionnel en Europe. Olivier rencontre Kingsley alors que sa première tentative de départ venait d’avorter. Un de ses amis s’était marié en France et lui avait promis un toit à l’arrivée.
Il avait mis 300 euros de côté ; une petite fortune dans son pays. Ses parents avaient même ajouté 200 euros, le réseau des amis avait également contribué à la somme, ainsi qu’un sponsor local, chef d’entreprise fortuné de son quartier… Tout un processus difficilement imaginable en Europe.
« Je pris surtout garde à ne pas être le déclencheur de son départ, ce que je refusais absolument. Il fut toutefois convenu que je garderais son argent sur moi afin qu’il ne soit pas systématiquement racketté. J’en suis bien conscient, j’ai parfois involontairement influencé le cours de son voyage, mais pas toujours positivement.
Souvent il me fallut m’éloigner volontairement afin de ne pas le compromettre. Notamment durant les 3 mois que Kingsley passa au Maroc, attendant l’occasion de traverser vers les Canaries. Ainsi qu’à chaque fois que les passeurs refusaient ma présence de photographe et de blanc, jugée suspecte ou dangereuse ».
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